Billet d'humeur
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« Il faut organiser le pessimisme ».

Je me répète régulièrement cette phrase de Walter Benjamin, le grand intellectuel juif allemand qui a vécu au début du XXe siècle et vu son époque se transformer en l’un des pires enfers de notre histoire récente.

« Organiser le pessimisme » cela signifie opérer un nécessaire changement de paradigme : sortir du règne des images balisées, orchestrées par la grand-route de l’idéologie dominante, ces mêmes images choisies par certains médias ou réseaux sociaux et qui imposent une forme de sidération. D'impuissance. Cette sensation d’être pris dans les phares de l’époque.

L’impuissance face aux cataclysmes en marche ou annoncés.

Je suis convaincu que le théâtre permet d’emprunter des chemins de traverses en déployant de nouvelles images, inconnues encore, inédites, complexes, paradoxales.

De nouveaux récits. Ceux qui manquent. Et qui nous rendent notre capacité à penser, à inventer. Des récits nouveaux pour les enfants de demain. Un théâtre qui intensifie la vie. Comme un coup d’état au temps. Se retrouver le temps d’un soir et former cette étrange communauté. Éphémère et nomade.

Se retrouver le temps d’un soir. Vivant·e·s face à des êtres vivant·e·s. Vibrer. Faire silence. Pleurer. Rire. Trembler. Applaudir.

Sortir de la tentative de l’identification à tout crin, de la volonté de se « représenter » mais au contraire : s’étonner, s’émouvoir d'aller vers l’Autre.

Celle ou celui que je ne suis pas. Muer. Muter. S’inventer. 

Retrouver, même en fulgurance, notre capacité à traverser la vie, à souhaiter agir.

À désirer.

Kevin Keiss